Emmanuelle Gosset, 43 ans, dirige WOOD710, du groupe ISB, qui fait de l’entretien et de la rénovation de bardage bois. Retour sur un parcours, parsemé de joies et de quelques embûches.

« J’ai grandi en pleine campagne, dans une grande longère du côté de Dol de Bretagne. Je suis l’aînée, j’ai une sœur plus jeune de trois ans, ainsi qu’un frère de 11 ans de moins. Nous avons vécu dans la nature, avec une vraie liberté. » Emmanuelle est une petite fille timide, réservée et sage, entourée d’une mère professeur de piano et d’un père responsable de production dans une usine. Bac ES en bandoulière, elle poursuit en droit jusqu’en Maîtrise où elle décide d’arrêter. Elle enchaîne alors des petits boulots, serveuse, les 2×8 à l’usine de son père… Et puis, grâce à la mission locale, elle trouve un stage en RH chez AES Cheminex à Combourg. Elle travaille ensuite chez Fiducial, cabinet d’experts comptables à Rennes et enfin dans une filiale du groupe Pinault, à Pacé, qui lui finance une formation de Master RH à l’IGR à Rennes. Elle reste ainsi 15 ans dans cette filiale devenue ISB, à la paye et aux RH. Et puis un jour, l’élan est stoppé : « Je n’ai plus envie, je n’y arrive plus, sans aucune explication rationnelle. »

C’est alors que son PDG lui demande de s’occuper de James, entreprise de 70 personnes, pour que cette dernière devienne indépendante sur la partie RH, en autre. « Tout d’un coup, je retourne dans un cocon, où l’on voit tout de suite les effets de ses actions. Cela me redonne de l’énergie. » Pourtant, l’envie de changement revient vite : « Je suis un peu perdue, je ne sais plus ce qui me plaît. » Une petite pousse est en train de germer, elle commence à envisager de monter sa propre boîte d’accompagnement. Mais le groupe lui propose de créer la première agence de WOOD710, une entreprise qui fait de la prestation de services pour l’entretien et la rénovation de bardage bois. Elle accepte. Le changement de vie est actionné, symbolisé par son déménagement à Saint-Malo.

Se construire soi

La première année, elle se forme sur les produits, fait de la prospection pour trouver des clients, arpente les salons… La cheffe de projet la soutient pendant un an. Elle se retrouve ensuite seule, rattachée au vice-président. Le chiffre d’affaires est un peu supérieur au précédent, un vrai motif de satisfaction : « Je suis contente, cela commence à prendre. Je suis reconnue au sein du groupe. Des architectes m’appellent, je construis mon propre réseau. » Même si rien n’est évident : « Le milieu du bâtiment ne fait pas vraiment dans la dentelle, j’ai eu du mal à me faire respecter. Un sous-traitant m’a baladée sur les délais par exemple. Personne ne me répondait au téléphone. J’ai fini par débarquer dans l’entreprise pour entendre « avec ton look de péripatéticienne de toute façon »… Mon sang n’a fait qu’un tour, imaginez un peu ! » Le sous-traitant est déréférencé immédiatement : « Je me suis dit que si j’acceptais cela, je devrais tout accepter après. Je l’ai expliqué aux clients, ils ont compris et joué le jeu. Mais c’est vrai que c’est sport au quotidien. J’apprends tous les jours. Quand je fais des réunions de chantier, je suis toujours la seule femme. Dès qu’on prend un peu de pouvoir, beaucoup d’hommes se sentent menacés et ont tendance à nous mettre sous cloche. C’est un combat quotidien. J’ai des clientes femmes, j’aimerais aussi trouver des entreprises sous-traitantes au féminin. Mais j’ai du mal. »

Emmanuelle a rejoint le réseau Femmes de Bretagne depuis un an : « Je suis dans un groupe qui importe et transforme du bois, aucun de mes collègues ne fait le même métier que moi. Je me suis dit que le seul moyen d’avancer était d’aller chercher à l’extérieur pour trouver de nouvelles idées, rencontrer des femmes, m’inspirer et me rassurer. » Et quand elle ne travaille pas, elle aime regarder ses enfants Maxens 11 ans et Chloé 16 ans grandir, la lecture, les voyages -toujours au bord de la mer- et a hâte de pouvoir refaire les valises en famille. « Pour entreprendre, il faut assumer ses envies. J’ai dû lutter, pour avancer malgré tout, et m’appuyer sur les personnes qui croient en moi pour me ressourcer après chaque combat. Il faut dépasser les schémas, s’autoriser à dire « j’ai envie ». Nous, les femmes, avons tendance à vouloir faire plaisir, à toujours se mettre au service des autres. C’est dans nos gènes. Il faut faire un vrai effort pour enfin penser à soi. Mais nous avons tout à y gagner. En entreprenant, j’ai découvert la liberté. »

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