« Ah, c’est la fille Normand qui reprend, mais on l’a jamais vue dans les vignes ? Elle est trop coquette ! » Si aujourd’hui, la place des femmes est reconnue dans le monde viticole cognaçais, rien n’était acquis il y a 20 ans. Quand Karine Normand a repris l’exploitation familiale « La Belle étoile », à Houlette, les embûches se sont accumulées. Le salarié en poste démissionne par refus de se faire commander par une femme et des interlocuteurs bornés conseillent à Karine d’épouser un fils de viticulteur. Volontaire, elle suit une formation agricole pour adulte, entourée d’hommes bien sûr. Sa réponse ? Des heures de travail incalculables pour atteindre la réussite et l’excellence. Aujourd’hui, Karine et son unique collaborateur accompagnent l’ensemble du cycle végétatif du raisin, de la taille de la vigne à la vinification, sur une exploitation de 26 hectares. Son vin est ensuite expédié dans des distilleries partenaires et l’eau de vie de cognac est ensuite vendue à ses clients négociants.
Quel est le sens de votre activité ? Pourquoi la menez-vous ?
J’ai vite découvert ce que j’aimais : travailler avec un outil « vivant », que l’on oriente pour qu’il donne le meilleur, mais qui ne se dompte pas. La nature est plus forte que nous, ce qui me rend humble. J’ai trouvé mon équilibre : un travail en extérieur, un panorama différent chaque jour, une vision concrète du travail effectué, gérer et organiser mes journées, pouvoir prendre le temps de penser, contempler, mais surtout faire mes propres choix. J’ai gagné en qualité de vie et ce malgré toutes les contraintes météo, financières, administratives ou environnementales.
Racontez-nous le(s) déclic(s) qui vous a/ont poussée à entreprendre ?
Quand mon père est arrivé à la retraite, la question du devenir de l’exploitation s’est posée. Nous étions en phase sur une chose : ne pas laisser disparaître ce patrimoine et les efforts de trois générations. J’ai toujours rêvé d’être couturière mais une maîtrise de psychologie du travail, par défaut, plus tard, j’ai enchaîné les petits boulots alimentaires. Et si je me lançais ? Cette annonce a provoqué l’étonnement de tous et le désespoir de ma grand-mère. Elle qui avait passé sa vie entière sur l’exploitation et enduré trop de rudesse : « ce n’est pas un métier féminin, tu n’es pas assez costaude ».
Au quotidien, quelles sont vos astuces pour perdurer et affronter les défis ? Comment le réseau Femmes des Territoires est-il un outil supplémentaire ?
Je n’ai pas de conseils, ni de trucs ou astuces, mais je dresse un bilan de mon expérience. Ne nous dévalorisons pas, apprenons à nous faire confiance et faire confiance aux autres. La réussite n’est pas le fruit du hasard, alors osons ! Il ne faut pas entreprendre pour se prouver quelque chose, mais parce que l’entrepreneuriat nous permet de vivre la vie que l’on a rêvée.
Au départ, je me suis sentie seule, mon premier soutien fut mon père. Il a répondu à mes interrogations, même les plus idiotes. Et je me suis constituée un réseau. Ainsi, Femmes des Territoires nous permet de rompre cet isolement, de trouver des réponses grâce aux parcours de toutes. L’entraide et le retour d’expérience sont toujours prolifiques.