Bibliothécaire durant 29 ans, Françoise Sarnowski a décidé de se mettre à son compte en 2011 en créant Bibliopass, un cabinet de formation et conseil en accessibilité. Elle accompagne le développement national de la démarche Facile à lire, un outil d’inclusion qui vise les adultes en situation d’illettrisme, éloignés de la lecture ou en situation de handicap.
La lecture devrait être un plaisir partagé par tous et les bibliothèques des lieux ouverts et inclusifs. Voilà ce qui guide l’action de Françoise Sarnowski depuis de nombreuses années. Cette Cessonnaise de 58 ans a travaillé durant 29 ans dans différentes bibliothèques en région parisienne puis en Ille-et-Vilaine. Recrutée au début des années 2000 par la médiathèque de Saint-Jacques de la Lande, elle y développe un service en direction des personnes malvoyantes, propose des livres sonores et organise des séances d’initiation et de perfectionnement à l’utilisation de logiciels adaptés. «Une démarche assez innovante à l’époque pour une commune de cette taille», souligne-t-elle. En 2008, elle intègre la grande bibliothèque des Champs libres à Rennes où elle crée le service accessibilité. Trois agents sont chargés de chercher des solutions pour les personnes âgées, en situation de handicap ou d’exclusion sociale. La médiathèque se dote d’un pôle Borges pour les malvoyants, d’un poste pour l’accessibilité physique, de logiciels pour la dyslexie et d’un fonds culturel pour les personnes sourdes. En parallèle, Françoise travaille en collaboration avec l’association ATD Quart Monde et met en place des ressources d’auto-formation (pour le soutien scolaire ou l’accompagnement au passage du permis de conduire par exemple). A la recherche d’un nouveau défi et souhaitant pousser sa démarche encore plus loin, Françoise Sarnowski décide de quitter la fonction publique et de créer en 2011 son entreprise, Bibliopass. Elle se déplace à travers toute la France pour former le personnel des bibliothèques à l’accessibilité.
Des espaces «Facile à lire» partout en France
Sur le modèle scandinave des «Easy to read square», elle lance avec l’établissement public Livre et lecture en Bretagne, le concept des espaces «Facile à lire» qui permettent de présenter une sélection de livres accessibles aux publics éloignés de la lecture. Avec ou sans texte, plutôt courts, «simples mais pas simplistes, ils sont présentés de face car cela fait moins peu», explique Françoise. Il y a aussi des récits faciles à écouter sur CD, en numérique sur tablettes, téléphones…Ces espaces, qui se déclinent hors les murs, répondent à un vrai besoin, les bibliothécaires étant souvent pris au dépourvu lorsque des adultes débutants leur demandent un livre adapté. La solution étant alors de les diriger vers le rayon jeunesse: une solution inappropriée et discriminante. «Au début, on m’a dit que ça ne marcherait pas, que ce n’était pas dans notre culture», se souvient la formatrice. Et pourtant, de 5 bibliothèques participantes dans le Finistère en 2013, on en compte aujourd’hui une soixantaine dans la région. Le Ministère de la Culture s’étant emparé du concept depuis quelques mois, la démarche a dépassé les frontières bretonnes et gagne tout le territoire national. Un prix «Facile à Lire» a même été créé en 2017. Pour Françoise, beaucoup de travail reste néanmoins à faire. Les bibliothèques françaises sont encore marquées par une vision élitiste de la littérature et de la culture. Durant leur formation, les professionnels ont appris à constituer une collection de qualité. «On ne leur a pas enseigné que la bibliothèque était avant tout un lieu social, où l’on doit pouvoir parler. Parfois le seul endroit chauffé et gratuit de la commune», remarque Françoise pour qui l’édition doit aussi s’emparer du problème de l’accessibilité en proposant des collections adaptées. Il n’en existe pour le moment aucune en France.