Yasmine Tatibouët, une femme incroyable ayant fait une force d’une bien douloureuse expérience. Rencontre.
« Sur la photo, je suis la seule femme au milieu de tous les hommes. Ce sont mes premiers pas d’entrepreneur, car j’avais précédemment une activité salariée ». Yasmine Tatibouët a reçu le Prix coup de cœur à Étonnants créateurs à Saint-Malo en 2019. À l’unanimité. La créatrice confectionne des sous-vêtements adaptés pour les hommes et les femmes stomisés. « À 28 ans, juste après la naissance de mon fils, j’ai eu une maladie inflammatoire chronique des intestins et j’ai dû subir une ablation du côlon et du rectum. » Aujourd’hui, à 49 ans, cela fait quatre ans qu’elle vit avec une stomie définitive, « j’ai cet appareillage collé à mon ventre, les selles sont recueillies dans le sac. Ce n’est pas glamour, mais cela apporte énormément de confort, parce qu’on n’est pas obligé d’aller aux toilettes toutes les heures ».
Dans la même année, après cette stomie digestive, elle divorce après 27 ans de mariage, « je n’avais jamais connu personne d’autre et je me retrouve avec cette poche sur le ventre. » Difficile d’envisager une nouvelle vie amoureuse… Mais elle ne se laisse pourtant pas abattre : « ce qui est important pour moi, c’est de redonner une dignité aux femmes. Je me suis dit, comment peut-on perdre notre féminité comme cela, c’est tellement dégradant… Je voulais absolument rester femme, séduisante. » Alors, elle cherche, crée, invente : « comme ma maman est couturière, nous avons commencé à imaginer des sous-vêtements un peu plus jolis que ce que je trouvais sur Internet. » Notamment un bandeau avec des pièces de lingerie, de la dentelle, du satin, dans lequel j’embellis la stomie. Un de ses amis, Jean-Michel Hedreux, stomisé, a créé en 2009 « MICI pour la Vie » avec des sous-vêtements, jupettes en dentelles et ceintures de bain. « Ma collection Stomie by Yasmine est distribuée sur la boutique en ligne « MICI pour la Vie » car il m’a légué son association ». Elle développe alors toute la gamme. Des modèles uniques, sur-mesure, faits à la main et sur demande.
Retour en enfance… Yasmine Tatibouët a grandi à La Baule, sa mère est couturière. « Ma maman est issue d’une famille de 19 enfants. Elle est très manuelle et m’a donné le goût de la création. » C’est une petite fille qui aime être entourée de copines, qui fait de la danse classique et adore la nature, notamment auprès des chevaux. Quand elle a 16 ans, la famille déménage à St-Malo, qu’elle ne quittera plus. Elle passe un BEP puis un Bac technique commercial et comptabilité et part ensuite dix mois à Londres comme jeune fille au pair. Au retour, elle travaille comme secrétaire comptable et tombe enceinte de son fils.
Juste après l’accouchement, souffrant de douleurs atroces, les médecins s’égarent dans un premier temps, pensant que c’est lié à son accouchement, jusqu’à ce qu’elle soit diagnostiquée recto colite ulcéro hémorragique à Pontchaillou. « J’ai eu plein de problèmes, plein d’infections, je croyais que jamais je n’allais m’en sortir… » Mais cette combattive retrouve le chemin de l’action avec sa collection : « cela a été un très long chemin, mais on peut dire que je tiens ma revanche ! » Aujourd’hui, son fils a 20 ans. Elle en parle avec des étoiles dans les yeux. Elle est heureuse de s’être reconstruite en transformant sa douloureuse expérience en un parcours d’entrepreneure : « les retours de tous mes clients sont incroyables ! J’ai reçu de nombreux petits mots adorables, comme « merci d’exister », j’ai vraiment l’impression d’être utile. Il faut bien voir qu’il y a des femmes qui ne sortent plus de chez elle ». En France, environ 100 000 personnes portent une stomie.
Yasmine Tatibouët est présidente de l’association « Mal’o ventre » pour laquelle elle organisera des activités sportives afin de lever des fonds pour les verser auprès de l’association AFA Crohn RCH France. Elle est aussi bénévole auprès cette association pour la plateforme téléphonique de « Allo’Stomie », pour aider les malades. Pour ses loisirs, elle aime se baigner sur la plage du Sillon, même par -8 degrés et sans combinaison ! Elle pratique aussi la danse orientale… « Je me suis mise à danser parce que j’avais un dégout de mon corps et de toutes ses cicatrices. J’avais l’impression d’être mutilée. Au début, elle cache sa stomie et ses plaies et puis au fur et à mesure, se dévoile. « J’espère aider les femmes. J’avais posté une vidéo où je dansais avec ma poche apparente. J’ai rencontré une femme qui m’a confié « votre vidéo a changé mon regard sur la stomie. » Et justement, côté femme, elle souhaite saluer Catherine Sautour, dirigeante de « Solutions partenaires » présidente du jury d’Étonnants créateurs, qui l’a soutenue sans détour et lui a redonné confiance. Et puis bien sûr, sa maman, qui malgré un AVC, confectionne tous ses modèles. Une belle lignée de femmes sacrément battantes.