Lauréate Entrepreneure
Des protections hygiéniques bios, diffusées gratuitement dans les lieux publics et les entreprises… Gaële Le Noane lance le concept en 2017 à Plobannalec-Lesconil. « Marguerite & Cie » remporte des prix, et convainc aussi à l’étranger !
Les chambres de l’ancien Hôtel du Port à Lesconil ont conservé leur numéro. Gaële Le Noane a aménagé son bureau dans l’une d’elle, face à l’Atlantique. « Jusqu’en février 2020, j’étais toute seule à travailler » se souvient la cheffe d’entreprise, désormais à la tête d’une quinzaine de salariés. Cette orthophoniste de 45 ans originaire de Liffré change de cap après avoir lu une enquête de la DGCCRF sur la composition des tampons et des serviettes. « C’est la législation du papier qui régit leur fabrication. Les références les moins chères comportent en général 90 % de plastique. Il y a aussi des pesticides et du glyphosate, mais ce n’est pas marqué sur l’emballage » dénonce Gaële Le Noane.
Demande-t-on aux salariés hommes de venir au travail avec du papier toilette ?
L’entrepreneuse contacte la marque britannique Natracare, dont les protections hygiéniques sont vendues dans les Biocoop en format individuel. Son objectif est de les proposer gratuitement dans les lieux publics comme les médiathèques et les écoles, sous forme de recharges dans des distributeurs. « Les femmes ont souvent un salaire inférieur aux hommes dans les entreprises. La précarité menstruelle, c’est alors la double peine. Nous voulons juste l’égalité de traitement » dit-elle.
Les produits Natracare arrivent en vrac. Ils sont conditionnés et expédiés par des personnes en situation de handicap, dans des ESAT. Juste après l’été, dans le Finistère, une chaîne de fast-food emboîte le pas à la Région Bretagne et à l’Education Nationale pour investir dans le dispositif et donc installer des distributeurs. D’autres entreprises vont suivre ces exemples, partout en France, encouragées par la démarche RSE, ou à la demande des salariées et des clientes.
Marguerite Duras, Durand, Yourcenar…
L’intitulé de l’entreprise se réfère aux icônes du féminisme. « Je voulais un prénom synonyme de valeurs communes et qui sonne très frenchy » précise Gaële Le Noane. Il y a trois ans et demi, pourtant, rien n’est acquis. C’est grâce à la confiance d’une banquière, qui croit donc en son projet, qu’elle obtient un prêt pour fonder sa boîte. Marguerite & Cie diffuse aujourd’hui ses distributeurs en Belgique, en Suisse, en Lithuanie et en Polynésie Française. « La précarité menstruelle est devenue un sujet de société : Emmanuel Macron en a même parlé sur Brut ! »
Deux millions de protections hygiéniques sortent de 1 800 distributeurs tous les mois, et le chiffre d’affaires est multiplié par cinq tous les ans. Poussée par cette réussite, Gaële Le Noane a créé un poste pour postuler aux prix et aux concours, et, indirectement, pour permettre aux femmes de gagner en visibilité. Elle a reçu en octobre deux distinctions, l’une remise par Femmes de Bretagne (le Prix Écovisionnaires dans la catégorie Entrepreneure), et une médaille d’argent au Concours Lépine.
La cheffe d’entreprise multiplie désormais les contacts avec les autorités (gouvernement, Délégation au Droit des Femmes de l’Assemblée Nationale…) pour faire bouger la loi sur la composition des produits et lutter contre la précarité menstruelle. Elle veut aussi reproduire son modèle à l’étranger. « L’Écosse est le seul endroit où les protections hygiéniques sont gratuites pour toutes les femmes » rappelle Gaële Le Noane.
Christophe Pluchon.
Vidéo réalisée par Marion Le Duin