Marie Blandin, 39 ans, dirige son propre cabinet. Avocate engagée, spécialiste en droit de la famille, elle défend la cause des femmes, celle des enfants, bec et ongles. Portrait.
Marie a grandi en Bourgogne, entourée d’une sœur et d’une maman bretonne, institutrice, très affectueuse, structurante et forte. Ses parents divorcent quand elle a dix ans. Bien que née avec une maladie génétique qui lui confère une invalidité de 80%, c’est une petite-fille pleine de caractère, pipelette, casse-cou, qui saura vite s’adapter pour être parfaitement autonome. « J’ai subi 17 opérations jusqu’à mes 18 ans, j’ai également eu une période assez longue en fauteuil, j’ai beaucoup raté l’école. Mais ma mère m’a toujours poussée, m’élevant comme un bon petit soldat face aux épreuves.» À Saint-Jean de Losne, premier port fluvial de France où la petite famille réside, elle côtoie des mariniers, personnages fantasques et joyeux, tel Sam jouant de l‘accordéon ou Dantec, artiste-papa de cœur. Marie a également une deuxième maman, sa kinésithérapeute, végétarienne, bouddhiste, écolo… « l’opposé de ma maman » qui s’amuse à lui apprendre des gros mots.
Petite, Marie souhaite être astronaute, mais on lui fait vite comprendre que cela n’allait pas être possible. Et puis, vers l’âge de dix ans, elle décide de devenir avocate : « Ma grand-mère a retrouvé une rédaction de CM2 où il fallait expliquer ce que l’on voulait faire plus tard. J’y racontais que je m’imaginais avec une grande robe noire… J’ai toujours pris la défense de l’enfant rejeté. Je me souviens d’un petit garçon qui avait des difficultés, qui ne savait pas faire ses lacets. J’ai passé des heures à lui apprendre. » Elle suit des études de droit jusqu’en licence, puis part en Bretagne où elle passe toutes les vacances chez ses grands-parents. Elle obtient sa maîtrise à Rennes, passe en même temps l’examen d’entrée à l’école des avocats, puis part un an à Exeter en Angleterre pour un Master en droit européen mention droits de l’homme.
Après des années de travail intense, elle souffle un peu et découvre… la plongée sous-marine : « une chance, outre-Manche, ils ne demandaient pas de certificat médical. » Elle valide son niveau 1, puis en rentrant, son niveau 2, puis 3 : autonome ! La plongée lui donne l’occasion de son premier voyage, en Égypte. Cela lui donne le goût de l’ailleurs. Elle décide de partir deux mois et demi au Népal faire un volontariat dans un orphelinat. « Plus on me disait que j’étais dingue, plus j’étais décidée à y aller. » Et cette envie ne la quittera plus, elle explore ainsi, seule ou avec une amie la Thaïlande, le Cambodge, le Laos, le Vietnam, Madagascar, le Costa Rica… En rentrant du Népal, elle fait son premier stage dans le cabinet de Bruno Sevestre et finit major de promo. Et puis, au bout d’un an, en 2009, elle veut être autonome – encore-, choisir ses dossiers et décide de s’installer.
« Aujourd’hui, mon cabinet a grandi, je suis épaulée par deux avocates collaboratrices et une juriste, une assistante que je partage, deux apprenties assistantes juridiques et je vais accueillir une élève avocate en janvier. J’aime bien former, d’ailleurs, ma première stagiaire est devenue ma première collaboratrice ». Un sacerdoce aussi, celui d’harmoniser sa vie professionnelle et sa vie privée : « Je me suis arrêtée quatre mois pour les naissances de mes deux enfants, je prends tous mes mercredis, la moitié des vacances scolaires… tout le monde me disait que cela ne se faisait pas dans la profession. Et bien si ! » En contrepartie, elle se remet à travailler le soir de 21h à minuit. « Je suis ainsi libre de mes choix. Quand un client me demande de lui expliquer la procédure pour abandonner ses enfants, je lui explique que l’on ne va pas pouvoir travailler ensemble… »
Présente dans le Réseau Femmes de Bretagne depuis trois ans et demi, elle aime sa bienveillance. « J’ai pu venir dans un atelier avec mon bébé. Je trouve ça important de montrer que je suis une femme entrepreneure, mais que je suis aussi une maman. J’ai aimé qu’on ne parle pas que business, qu’on puisse aussi évoquer les contraintes propres aux femmes. On a du mal à affirmer son prix, sa valeur… Affirmer son prix, c’est aussi affirmer sa compétence face au client. Et il faut dire aux femmes, prenez soin de vous dans votre famille, dans votre vie personnelle. Le fait d’être bien vous permettra de dégager une belle énergie. »
Marie n’est entourée que de collaboratrices : « C’est un choix. Quand j’ai besoin d’un intervenant extérieur, je vais systématiquement choisir une femme. Et je défends les femmes victimes. Je suis par exemple complètement opposée à la correctionnalisation des viols, avec une réelle fierté, celle d’avoir réussi l’année dernière à Rennes à faire juger le premier viol par pénétration digitale. J’ai alors entendu « on ne va pas mobiliser les assises pour un doigt »… On m’a mis la pression pour correctionnaliser, mais j’ai tenu bon, car ma cliente suivait. On a gagné aux Assises. Le violeur a pris sept ans. » Marie est bénévole au CIDFF (Centre d’information des droits des femmes et des familles). Elle a également ouvert un cabinet secondaire à Guipry-Messac. Une manière d’amener le droit au plus proche des victimes. Pour n’abandonner personne.