Sandrine Hurel

Céramiste et art thérapeute installée à Auray, Sandrine Hurel a trouvé dans la terre un véritable moyen d’expression. Cette ressource essentielle lui permet de se connecter avec son moi profond, et de libérer les traumatismes du passé. Coordinatrice pour Femmes de Bretagne, Sandrine Hurel impulse également une dynamique en faveur de l’émancipation des femmes sur ce territoire.

Depuis la fenêtre de son atelier, la rivière d’Auray coule paisiblement en contre-bas. Face à elle, les maisons à colombage du port de Saint-Goustan offrent une vue sans cesse renouvelée, à chaque heure de la journée. Le lieu est propice à l’inspiration et à la création. C’est là que Sandrine Hurel a choisi de poser ses pains de terre et ses outils, se laissant porter par la spontanéité de l’instant dans l’acte de création céramique. Née à Paris, Sandrine Hurel a passé son enfance en Afghanistan avant de rentrer précipitamment en 1978, à l’âge de 8 ans, lorsque le soulèvement de la grande révolution de Saur éclate. De retour en France, son père disparaît. Sa mère est dans l’incapacité de s’occuper de ses trois enfants. Sandrine est alors placée en foyer pour enfants avec son frère et sa sœur. « C’est dans cette Maison pour Enfants que j’ai découvert l’art sous toutes ses formes », raconte-t-elle. « Poterie, musique, danse, peinture, dessin… Ma fibre artistique s’est vraiment révélée pendant cette période. J’ai découvert la matière. Dans un contexte de situation familiale traumatisante, je me suis raccrochée à la terre. » Sandrine Hurel développe aussi son esprit collectif, vivant aux côtés de nombreux enfants dans sa situation.

Subvenir à ses besoins primaires

A 16 ans, lorsqu’elle quitte le foyer, Sandrine se lance dans un CAP Secrétariat, puis un bac professionnel. Son ambition ? Devenir autonome le plus rapidement possible. « Ce qui me guide à ce moment-là, c’est l’instinct de survie : travailler pour subvenir à mes besoins primaires », reconnaît-elle. Elle se lance alors dans l’intérim, fuit l’engagement du CDI pour se sentir libre de partir à tout moment, et développe alors une intelligence particulière. « Je capte les choses rapidement, je travaille vite. C’est ce qui fait aussi que je finis par m’ennuyer et me lance dans de nouvelles formations pour soulever de nouveaux challenges », explique-t-elle. Après un parcours de programmation informatique, elle devient chef de projet chez France Télécom. Travaille aussi dans l’immobilier, dans le monde associatif et dans les ressources humaines. « En 2005, je suis embauchée chez DCNS à Lorient au service RH, en CDI. Un poste qui évolue vers celui de chargée des relations sociales au sein de l’entreprise », raconte-t-elle.


Naissance de l’artiste

Mais en 2009, enceinte de son fils, tout bascule. Cette grossesse se voit couplée d’un sentiment de gestation d’une nouvelle vie, donnant lieu à une double naissance. Laissant enfin parler ses émotions, Sandrine Hurel retrouve le contact avec la matière et veut s’installer comme potière. « J’ai troqué le pot de fer contre le pot de terre », sourit-elle, quittant la sécurité d’une carrière assurée pour un avenir imprévisible. « L’envie était plus puissante que la peur. Je savais ce que je voulais », assure-t-elle. Elle se forme alors six mois en Dordogne auprès d’un maître potier. « J’y aborde la matière de manière la plus naturelle possible : on prépare et façonne à la main, sans tour de potier, on fabrique nos propres fours de cuisson ».

Elle complète sa formation par les techniques de l’émail haute température et s’inscrit à l’école Créamik de Séné. Lors d’une balade à Saint-Goustan en 2013, elle découvre ces ateliers qui font face au port. L’endroit idéal pour y poser ses pains de terre. « Je n’avais pas le profil d’une entrepreneure, je n’ai pas fait d’études de marché. Mon métier m’a appelé », indique-t-elle. En plus de créer ses pièces uniques, Sandrine Hurel propose des ateliers d’initiation, individuels ou collectifs, intervient dans les écoles, les centres de loisirs et les quartiers prioritaires. « J’aime travailler auprès de ceux qui ont soif de vivre ! », dit-elle.

Le champ d’argile®

Ce contact physique avec la terre devient peu à peu nourricier. En façonnant ses pièces de céramiques, Sandrine Hurel se rend compte qu’elle se façonne elle-même. L’art thérapie entre alors dans sa vie. « La science haptique, science du toucher, permet de nourrir dans notre corps nos besoins vitaux et développe ainsi plus de confiance, d’estime et de sécurité intérieure », précise Sandrine qui veut faire connaître cette thérapie psycho corporelle. Elle se forme alors à la pratique du champ d’argile®, une thérapie initiatique développée en Allemagne dans les années 1970. Un cadre rempli d’argile est posé sur la table, le patient ferme les yeux et glisse ses mains dans la terre, se laissant guider par son corps et par la thérapeute. « C’est un travail de relation avec soi-même pour apprendre à mieux vivre sa relation avec les autres. Entre le corps et l’argile, c’est l’élan vital qui nous guide », constate Sandrine Hurel. Après sa certification, qu’elle devrait obtenir en 2023, l’artiste sera la seconde art thérapeute à pratiquer le champ d’argile® en Bretagne. « Je rêve de participer à la création d’une école du Toucher dans le Morbihan pour remettre au premier rang ce sens incontournable pour l’équilibre de l’être humain », conclut-elle, la tête remplie de projets. 

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